La fibrillation atriale est le trouble du rythme le plus fréquent. Elle survient chez 1 % de la population général et 10 % après 80 ans. C’est un des effets du vieillissement cardiaque, mais aussi de l’évolution de la plupart des maladies du cœur.

Il n’est pas rare qu’elle survienne également sans aucune maladie cardiovasculaire sous-jacente, pour des raisons encore mal connues mais surement anatomiques, génétiques et liées aux modes de vie.

C’est le trouble du rythme le plus complexe. Il n’est pas organisé et régulier, mais est au contraire le résultat d’une activation électrique très rapide, désordonnée et chaotique des oreillettes. Cette complexité explique certainement pourquoi la fibrillation est le dernier trouble du rythme que l’on a su comment traiter par l’ablation. Contrairement à la plupart des autres tachycardies, son ablation ne peut pas se résumer à la destruction d’une cible unique (comme une source électrique ou une zone de conduction anormales). C’est une anomalie électrique touchant l’ensemble du tissu atrial qui doit être soignée.

Que traite-t-on ?

Les veines pulmonaires

C’est à l’issu de travaux de l’équipe du CHU de Bordeaux, en France, que les zones le plus fréquemment en cause dans la fibrillation atriale ont été mises en évidence à la fin des années 90. C’est dans l’oreillette gauche qu’elles se trouvent le plus souvent, et plus précisément à la jonction de l’oreillette gauche et des veines pulmonaires.

Les veines pulmonaires amènent le sang oxygéné au cœur après son passage dans les poumons. Elles s’abouchent dans l’oreillette gauche. Le sang circule ensuite vers le ventricule gauche puis est éjecté dans la circulation générale pour oxygéner nos organes.

Faites de tissu veineux supposé sans activité électrique, ces petites veines sont parfois le siège de quelques fibres de muscle cardiaque. Ces fibres sont anormales, entourées de tissu veineux, et connectées au tissu de l’oreillette gauche.

Les démarrages de la fibrillation viennent pour 95 % des cas de ces veines, d’après les connaissances actuelles.

Le traitement par ablation de la fibrillation atriale consiste souvent à créer une barrière électrique entre les zones malades des veines pulmonaires et le tissu de l’oreillette gauche.

Le reste des oreillettes

Au fil du temps et avec la répétition des crises de fibrillation, certaines zones des oreillettes s’altèrent et deviennent elles-mêmes des sources de fibrillation. Dans certains cas, ces zones nécessitent un traitement supplémentaire à celui des veines pulmonaires.

Le traitement varie alors un peu entre les équipes. Il s’agit essentiellement soit de compartimenter les oreillettes par des lignes de radiofréquence, soit de traiter électivement des zones paraissant pathologiques et responsables du maintien de l’arythmie.

Pourquoi faire l’ablation ?

Une maladie potentiellement grave

La fibrillation atriale évolue avec le temps vers des crises généralement de plus en plus prolongées. Elle peut provoquer des complications graves, variables en fonction du terrain et des facteurs de risque de chaque patient.

Ces complications sont dominées par le risque d’accident vasculaire cérébral par mauvaise vidange des oreillettes en fibrillation et stagnation de sang qui peut alors coaguler. La fibrillation peut aussi entraîner tous les stades de l’insuffisance cardiaque, depuis la simple fatigue ou l’essoufflement à l’effort, jusqu’à une grave altération du muscle cardiaque avec des signes sévères d’insuffisance cardiaque.

S’ajoutent à ces complications les risques liés à la prise de médicaments anticoagulants et antiarythmiques qui ne sont pas anodins. Même si dans la majorité des cas, ces traitements sont bien supportés, ils peuvent causer des accidents hémorragiques pour les anticoagulants et cardiaque pour les antiarythmiques.

Dans l‘ensemble, on estime que la fibrillation entraîne une mortalité comparable à celle de l’infarctus du myocarde, du diabète ou de l’hypertension artérielle.

Outre la gravité pronostique de la maladie, les effets des symptômes liés à l’arythmie sur le moral et la qualité de vie, peuvent être aussi importants que ceux d’une maladie grave telle que le cancer.

Des médicaments peu efficaces

Les médicaments visant à empêcher les crises de fibrillation sont les antiarythmiques. Ils sont assez souvent insuffisants puisque les études montrent des récidives d’arythmie chez environ 30 à 40 % des patients après 1 an de traitement.

Leur prescription est limitée en cas de maladie cardiaque (contre-indication pour la plupart d’entre eux sauf l’amiodarone) et ils peuvent entraîner des effets secondaires et des complications cardiaques. Pour ces raisons, s’il est efficace et bien toléré, le médicament peut bien sûr être poursuivi, mais il est aujourd’hui préconisé de proposer une ablation en cas d’inefficacité ou mauvaise tolérance.

Quand la faire ?

Le recours à cette intervention relativement lourde doit être pleinement justifié pour en limiter  les complications, mais est très encouragé par les résultats actuels, surtout en cas de crises encore assez brèves. On préconise aujourd’hui de proposer une ablation en cas de fibrillation est symptomatique, c’est-à-dire gênante pour le patient, dès que le traitement médicamenteux n’est pas satisfaisant.

Le traitement par ablation est d’autant plus efficace et moins risqué qu’il est effectué tôt dans l’évolution de la maladie. Le succès est de l’ordre de 90 % pour les patients ayant des crises peu prolongées, de moins de 2 jours, et depuis peu d’années.

Il faut en revanche une intervention plus longue et donc un peu plus risquée, avec moins de chances de succès, lorsque la maladie est plus avancée, avec des passages en fibrillation prolongées.

Des exceptions sont cependant possibles dans les deux sens.

L’intervention en pratique

L’hospitalisation

Le séjour hospitalier pour l’intervention dure généralement 3 ou 4 jours, parfois plus en fonction de la complexité du cas ou de la gestion de complications.

L’anesthésie

Réalisée lors d’une hospitalisation généralement assez brève, entre 3 et 4 jours, l’intervention se fait comme pour les autres ablations sous anesthésie légère ou générale en fonction des habitudes des équipes.

L’abord vasculaire

Le cathéter d’ablation et les cathéters utilisés pour l’intervention sont amenés au cœur par la veine fémorale, au pli de l’aine.

L’oreillette gauche est atteinte grâce à une ponction transseptale, qui permet de traverser la cloison entre les deux oreillettes avec une longue aiguille puis une gaine. Selon les habitudes des services, cette ponction peut être réalisée sous contrôle de l’échographie par voie œsophagienne.

Quelles zones sont traitées ?

Les cavités parcourues par le cathéter sont reconstituées en 3 dimensions par un système informatique spécifique qui permet de déplacer ensuite les sondes et repérer les zones à traiter avec une très grande précision.

Image 3D et/ou film

Les veines pulmonaires

Le bord des veines pulmonaires est ensuite généralement visé pour neutraliser les connexions électriques entre l’oreillette et les veines. Un encerclement par radiofréquence est fait autour des veines en vérifiant que le traitement permet la disparition des signaux électriques dans les veines elles-mêmes.

Ce type de traitement peut également être réalisé avec de la cryothérapie, c’est-à-dire l’application de froid grâce à un ballon de gaz, qui une fois gonflé épouse la forme de l’arrivée de la veine. Il n’est alors pas réalisé de carte 3D de l’oreillette, ni de traitement d’éventuelles autres parties responsables.

Le reste des oreillettes

Dans les cas de fibrillations à crises longues ou installées de longue date, à des stades assez avancés de la maladie, le traitement des veines peut ne pas suffire. Les oreillettes sont alors également traitées, en fibrillation, en visant des sites électriquement rapides, ou en effectuant une sorte de compartimentation de la cavité par des lignes jointives de radiofréquence.

On vise généralement à arrêter la fibrillation pendant l’ablation, ce qui peut être plus ou moins difficile à obtenir. Le retour par ablation en rythme normal est un signe de bonne progression dans le traitement et parfois de la fin de l’intervention.

Les suites opératoires

La surveillance avant la sortie

Après l’intervention et le réveil, une surveillance postopératoire peut être réalisée en unité de soins intensifs afin de détecter facilement une éventuelle complication à traiter.

Une échographie du cœur et un prélèvement sanguin sont au minimum nécessaires, ainsi que des électrocardiogrammes et souvent un suivi continu du rythme cardiaque (scope ou télémétrie).

La sortie peut être envisagée, d’une façon générale, 24 ou 48 heures après l’intervention. Cette durée peut s’allonger en fonction des résultats initiaux, des fragilités rencontrées ces certains patients et bien évidemment en cas de complication à traiter.

Les complications

Légères

Des complications relativement légères peuvent apparaître pendant l’intervention ou dans les premiers heures ou jours qui suivent.

De façon non exhaustive, il peut s’agir d’un hématome au pli de l‘aine généralement d’évolution simple mais requérant exceptionnellement un traitement chirurgical ; de douleurs posturales ; d’une infection pulmonaire ; de l’apparition de liquide de faible abondance dans le péricarde, simplement surveillée.

Graves

Les complications graves sont rares et pour certaines, très exceptionnelles.

Un accident vasculaire cérébral peut arriver par migration d’un petit caillot de sang à partir de l’oreillette jusqu’au cerveau. Le caillot est favorisé par la présence des cathéters et par les lésions d’ablation. Cette complication est prévenue par une forte anticoagulation du sang pendant toute l’intervention et son taux de survenue est actuellement estimé inférieur à 3 pour 1000.

Un hématome autour du cœur, appelé tamponnade, peut survenir pendant la procédure ou ses suites, et nécessiter une évacuation : environ 1 % des cas. L’évacuation se fait généralement à travers une petite ponction de la peau jusqu’au péricarde, sous le sternum et les côtes, pendant une anesthésie générale. Un drain est laissé en place pendant quelques jours jusqu’à cicatrisation du saignement ayant provoqué l’hématome.

Une fistule entre l’oreillette et l’œsophage peut survenir dans les jours suivant l’intervention. Cette complication gravissime et souvent mortelle a eu lieu pour quelques cas dans le monde, sur des dizaines de milliers d’interventions. Pour l’éviter, la plupart des équipes repèrent la position de l’œsophage pendant l’intervention avec une petite sonde visible aux rayons X et mesurant la température pour surveiller et éviter tout réchauffement dans l’œsophage pendant un tir de radiofréquence.

Enfin, la sténose d’une veine pulmonaire, rétrécissement d’une partie de la veine dû à des tirs de radiofréquence, peut donner des symptômes très pénibles comme une toux incoercible, des crachats de sang… c’est cependant  devenu une complication historique : elle est depuis des années évitée en ne faisant pas de tir trop proche du tissu veineux et en les limitant à la partie de l‘oreillette en regard.

Quels sont les résultats ?

Bien que relativement bons, les taux de réussite de l’ablation de la FA sont inférieurs aux ablations de troubles du rythme simples.

Dans le cas de la fibrillation paroxystique, avec des crises brèves (de moins de 2 jours, schématiquement) et sans maladie cardiaque sous-jacente, on peut retenir un taux de succès excellent, de l’ordre de 90 % en une seule intervention.

Les cas plus difficiles des fibrillations prolongées et notamment lorsque le trouble du rythme s’installe sur des semaines ou des mois (fibrillations persistantes), relèvent de traitements plus larges et avec des taux de succès plutôt autour de 60 à 70 %. Il est dans ces cas très fréquent (plus de 50 % des cas) d’avoir recours à au moins deux interventions.

Et après…

Les récidives : échec ou effet secondaire du traitement ?

Pendant les 3 à 4 premiers mois, il arrive que des tachycardies uniquement liées à des phénomènes postopératoires surviennent. Ces tachycardies peuvent s’estomper d’elles-mêmes, une fois la cicatrisation de l’oreillette terminée.

Il n’est donc classiquement pas envisagé de nouvelle intervention avant 3 ou 4 mois pour traiter une récidive.

En soi, les récidives ne sont pas toujours signe d’un échec de l’ablation. Certaines fibrillations installées de longue date nécessitent en effet un traitement extensif et requièrent plus d’une procédure. Certaines formes de récidives sont le reflet d’un début de succès de traitement, car les oreillettes ne fibrillent plus mais ont des tachycardies moins complexes. Il s’agit alors parfois de foyers isolés ou de circuits de tachycardie uniques, qui nécessitent un traitement ciblé, cette fois-ci moins extensif.

Que faire des médicaments ?

Le plus souvent, les médicaments donnés pour la fibrillation ne sont pas tout de suite arrêtés.

Les anticoagulants

Ils sont poursuivis pendant la période postopératoire, ou instaurés pour cette période s’ils n’étaient pas prescrits auparavant. L’ablation est en effet suivie d’une période de risque d’embolie d’origine cardiaque (et donc d’AVC) d’environ 1 mois.

Une période de recul plus ou moins longue selon les cas doit être respectée avant d’envisager leur arrêt. Pour beaucoup de cas, les anticoagulants ne sont pas arrêtés avant plusieurs mois et ils doivent même parfois être maintenus au long cours en raison des facteurs de risque du patient. L’ablation de la fibrillation n’est en effet pas considérée comme un traitement qui élimine le risque d’AVC.

Les antiarythmiques

Là aussi, en fonction des cas, de la difficulté de l’ablation, les médicaments antiarythmiques peuvent constituer un complément pour empêcher les récidives, pendant une période plus ou moins longue.

Quel suivi au long cours ?

Contrairement à certaines tachycardies simples dont l’ablation peut constituer un traitement curatif définitif, la fibrillation est le plus souvent une maladie diffuse du tissu atrial. Elle nécessite la poursuite d’un suivi cardiologique auprès du cardiologue traitant.

Dans les premiers mois, le résultat est évalué par les symptômes du patient, ainsi que par les électrocardiogrammes et enregistrements Holter effectués chez le cardiologue traitant. Les traitements médicamenteux seront adaptés aux données apportées par ce suivi.